Arch. dép. Eure-et-Loir, 1 W 33.

La loi constitutionnelle adoptée le 10 juillet attribue les pleins pouvoirs au gouvernement français représenté par le maréchal Pétain. Après la signature des premiers actes constitutionnels Pétain s’adresse à la nation, évoquant notamment l’organisation de l’administration : « Douze ministres se répartiront l’administration du pays. Ils seront assistés par des secrétaires généraux qui dirigeront les principaux services de l’Etat. Des gouverneurs seront placés à la tête des grandes provinces françaises. Ainsi, l’administration sera à la fois concentrée et décentralisée. Les fonctionnaires ne seront plus entravés dans leur action par des règlements trop étroits et par des contrôles trop nombreux. Ils seront plus libres ; ils agiront plus vite. Mais ils seront responsables de leurs fautes ». Le préfet doit rendre des comptes au ministre de l’Intérieur, présenter des rapports et prendre des instructions auprès du représentant du gouvernement français en zone occupée, le délégué général auprès des autorités d’occupation Léon Noël, puis son successeur de La Laurencie à partir du 19 août 1940. Le premier rapport de Jean Moulin sur la situation du département est daté du 12 juillet 1940.

Le 6 août 1940 le préfet assiste à la première réunion du Militärverwaltungsbezirk A (administration militaire en région ou district) à Saint-Germain-en-Laye, dont le but est de recueillir les impressions des fonctionnaires, de les « informer sur l’organisation et les tâches de l’administration militaire et de donner l’orientation nécessaire à une future collaboration ». L’attitude de Jean Moulin est évoquée dans plusieurs rapports soulignant la résistance qu’il oppose aux Allemands : « L’attitude des services allemands de l’administration militaire à l’égard des autorités françaises est rendue souvent très difficile du fait d’exigences qui se heurtent à une forte résistance chez les services français et que l’administration militaire est incapable de justifier. Par exemple dans la région FK 751 le XXXXIII AK a ordonné l’évacuation de la population civile de toutes les maisons qui hébergeaient des soldats. Jusqu’à présent il n’a pas été possible d’obtenir une annulation de cet ordre qui a rencontré, cela se comprend, la résistance des autorités françaises » (situation du 20 août au 20 septembre). « On peut noter que le préfet du département d’Eure-et-Loir a cru devoir s’en remettre au représentant du gouvernement français à Paris avant d’accéder à la demande de la FK 751 d’être informée de la situation financière des communes en application du décret du chef de l’Administration militaire en France du 9 octobre 1940 » (Cité par Daniel Cordier, op.cit., t.2, p.448-453 (« Les Allemands jugent les Français »).

Dans la correspondance de Jean Moulin avec la Kommandantur se trouvent quelques lettres de protestation, notamment sur le fait que les Allemands apposent des affiches, signées « le préfet », annonçant qu’en cas de manquement de la part des prisonniers de guerre leurs familles seraient tenues responsables (14 juillet), sur les réquisitions (10 août), la demande de traduction en langue allemande de toutes les pièces administratives françaises destinées aux autorités allemandes (24 août), les expulsions (4 septembre) et les « prêts » imposés par les occupants (17 septembre).

Vitrine 10